09/11/2015
Dopage de masse : l'engrenage du sport-spectacle
Tempête sur la Fédération internationale d'athlétisme.
Osera-t-on mettre en accusation le système économique ?
L'Agence mondiale antidopage (AMA) accuse la Fédération internationale d'athlétisme (IAAF) de toucher de l'argent pour couvrir les pratiques de dopage, massivement répandues dans la plupart des pays. En France, Lamine Diack, 82 ans, président de l'IAAF jusqu'en août 2015, est mis en examen ainsi que son conseiller juridique sénégalais et le responsable médical français de la fédération internationale.
Ce nouveau scandale sportif fait un bruit considérable, mais nos radios, au moins ce matin, ne mettaient pas encore le doigt sur la racine du problème.
J'écoutais vers 7 heures Jean-Pierre de Mondenard, spécialiste de la médecine du sport et auteur de plusieurs livres sur le dopage : tant que la lutte anti-dopage sera laissée aux fédérations d'athlétisme, disait-il, le scandale généralisé continuera.
De quelle nature est ce scandale ? Le sport actuel est « une fabrique de dirigeants corrompus », dit Mondenard, « et il pousse au dopage ». Parler morale ne servirait à rien : il faut examiner ce qui détermine les comportements. Autrement dit, l'infrastructure du sport-spectacle. Elle est évidemment économique. Les scandales ont commencé par le cyclisme mais ils s'étendent désormais à toutes les disciplines ; c'est une logique généralisée parce que le sport, comme aujourd'hui toutes les activités humaines mais beaucoup plus que la plupart, était voué à devenir rouage du « libéralisme totalitaire » qui fait de tout une marchandise.
Ce qui se vend sur les stades, c'est du spectacle de masse ; le spectacle de masse est le carburant du turbo-capitalisme. Entre les enjeux spéculatifs et la pression des sponsors commerciaux sur la compétition, des volumes financiers considérables sont en jeu : c'est l'infrastructure. La compétition en elle-même devient la superstructure. Autrement dit, les disciplines sportives sont tenues d'être toujours plus bankables, au prix – bien sûr – de toute éthique : de même que les journaux, rachetés par des aventuriers financiers globaux, sont contraints de s'éloigner toujours plus de leur métier de base pour vendre on ne sait quoi, avec toujours moins de budget et de journalistes...
Dans ces conditions, le dopage, qui existait de longue date mais comme tentation individuelle et autrefois sous une répression sérieuse, devient quasi-institutionnel (si tant est que le mot « institution » ait encore un sens sous le capitalisme tardif – qui pulvérise tout, comme Roland Hureaux le rappelle dans son article de Résurrection : voir la note d'hier). Les fédérations sont d'accord pour ne prendre qu'un nombre infime de coupables, et leurs sanctions sont levées rapidement pour qu'ils puissent revenir à la compétition-spectacle. Le trucage chimique et la corruption sont désormais des piliers de la machine sportive, et la situation ne changera qu'avec le système économique global.
11:18 Publié dans Economie- financegestion, Sport | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : sport dopage
Commentaires
CHANTAGE
> Aux dernières nouvelles, il y a même inculpation de chantage à l'encontre de plusieurs athlètes russes et une turque en vue de leur "vendre" le silence sur leurs dossiers médicaux !
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Écrit par : Pierre Huet / | 09/11/2015
TOUJOURS
> "le dopage, qui existait de longue date mais comme tentation individuelle et autrefois sous une répression sérieuse" >>> Comment ça ??
Le dopage à grande échelle a toujours existé, et il n'a pas toujours été réprimé ! Je me souviens d'un article du Figaro, pendant le Tour de France il y a quelques années : un vieux journaliste se rappelait avoir interviewé des coureurs dans leurs caravanes, où ils recevaient ouvertement des piqûres de produits dopants. La répression ? Inexistante à l'époque (et inefficace depuis qu'elle existe).
Je ne sais pas pour les autres sports, mais pour le Tour de France, il est de toute façon clair depuis des décennies que, vue la difficulté physique de l'épreuve, il faut être dopé pour aller au bout...
Le sport en tant que compétition, et particulièrement lorsqu'il est professionnel (lorsqu'il sort du "jeu" local), est une manifestation de néo-paganisme depuis Pierre de Coubertin. C'est dramatique, mais le capitalisme à outrance des deux dernières décennies n'a fait qu'aggraver des problèmes déjà existants. On est simplement passé des amours adultères de Vénus à la sextape volée de Valbuena : tout ceci n'étant qu'un divertissement pascalien permettant d'éviter d'avoir à vivre ici et maintenant (et d'aller soi-même rendre hommage au Créateur par un sain exercice de son propre corps, car souvent le sport-spectacle se pratique une bière à la main devant un poste de télévision).
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Écrit par : Edel / | 09/11/2015
DOPAGE ...
> Les exemples ne manquent pas. On essaie de faire croire en pinçant un ou deux coupables que le sport est propre et n'est qu'entaché de quelques brebis galeuses.
C'est le problème du toujours plus ... Il faut repousser les limites, battre les records du monde, être le plus fort. Les limites naturelles sont pulvérisées depuis longtemps ... On synthétique la testostérone depuis les années 40.
Les sportifs meurent, ont des maladies bizarres ...
Le rugby, sport business en progression dans le business, est emblématique : les sportifs ont pris 10 kgs en 10 ans. On pourra toujours lire la tête dans le sable que les programmes de muscu ont changé tandis que la musculation n'a jamais changé mais que les labos pharmaceutiques ont changé.
Le sportif, d'ailleurs, n'est qu'une chose interchangeable. Si un est pris dans la machine à contrôle, il est soit jeté, soit réhabilité. Mais le processus fait partie de l'ingénierie de la machine.
Il faut bien se dire une chose : depuis les années 50/60, le sport de haut niveau (à partir du niveau régional) est sous l'emprise du dopage !
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Écrit par : Spooner / | 09/11/2015
SUVENTIONS
> "de même que les journaux, rachetés par des aventuriers financiers globaux, sont contraints de s'éloigner toujours plus de leur métier de base pour vendre on ne sait quoi, avec toujours moins de budget et de journalistes…" mais toujours plus de subventions publiques : 400 millions d'euros annuels !
http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2014/05/06/aides-a-la-presse-qui-touche-le-plus_4411883_4355770.html#partie1
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Écrit par : Thomas Mousset / | 09/11/2015
CONSTERNANT
> la course au spectacle, à la popularité, à la démagogie, à l'inéducation transnationale
http://www.ac-toulouse.fr/cid94876/une-video-pour-decouvrir-notre-future-grande-region.html
Consternant.
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Écrit par : E Levavasseur / | 10/11/2015
@ R. Lavavasseur
> Consternant ? Qu'est-ce que ça leur ajoute d'être consternant?
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Écrit par : Pierre Huet / | 10/11/2015
DANS LE 'DIPLO'
> Dans la droite ligne de ce que PP écrit fort justement sur le dopage, un article intéressant du Monde Diplomatique hélas révélateur sur les dérives de l'industrie pharmaceutique...
http://www.monde-diplomatique.fr/2015/01/RAVELLI/51928
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Écrit par : Philippe de Visieux / | 12/11/2015
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